La Selle, Matériel

[Matériel] La selle

Crédit photo : Leïla Pagès

The best designed, most beautifully crafted saddle made specifically to fit an individual horse will not improve the horse’s ability to perform, benefit his welfare or increase his comfort.

Ken Lyndon-Dykes, Practical Saddle Fitting

En français : « La selle la mieux pensée et la mieux conçue, créée spécifiquement pour aller à un cheval particulier, ne permettrai jamais d’améliorer les performances dudit cheval, d’améliorer son bien-être ou d’augmenter son confort. » Cette citation est à méditer dans son contexte : le point de comparaison de l’auteur est ici le cheval en liberté. 😉

Quelle selle me permettrait de retrouver les allures de rêve de mon Bashshar dans son pré ? Certainement pas celle qui a été faite « sur mesure » par un commercial de grande marque et qui s’est révélé particulièrement inadaptée… Si je voulais la lui remettre sur le dos, il protesterait probablement avec un bon galop yeux mi-clos, oreilles en arrière, queue qui fouaille… si vous voyez ce que je veux dire ! 😏


Conséquences d’un choix de matériel inadapté

Pour bien commencer cet article, je vais commencer par vous faire peur 😉 Le choix de la selle est crucial pour le travail monté, tout cavalier en est conscient. La plupart d’entre nous a déjà rencontré une selle qui ne leur allait pas : trop grande, on flotte dedans, on est instable, trop petite, on a des inflammations du pubis pouvant aller jusqu’à des lésions de la peau. Il est donc tout naturel qu’une fois qu’on a trouvé « notre taille », on choisisse une selle qui soit adapté à notre fessier.

Oui, mais… Mais on oublie souvent que si nous humains pouvons souffrir d’une selle inadaptée, il en est de même pour nos amis équins ! Si la selle a une arcade trop serrée, elle peut pincer et atrophier les muscles autour du garrot. Si son arcade est trop large, le pommeau de la selle risque alors de toucher le garrot et de causer des lésions par frottement. De même, si la gouttière est trop serrée, les matelassures seront en contact avec les nerfs qui sortent des vertèbres, et si elle est trop large, les matelassures seront en contact avec les côtes et muscles intercostaux et la gouttière risque de toucher les vertèbres : les matelassures devant normalement reposer sur les muscles dorsaux qui courent le long des vertèbres. Enfin, si la selle est trop longue, elle reposera sur la zone sensible du rein, et si elle est trop courte, la surface de portage de votre poids sera réduite et pourra occasionner une fatigue musculaire accrue.

A long terme, une selle inadaptée au cavalier peut entraîner des lésions du siège et un arrêt de la pratique équestre en raison des douleurs ; une selle inadaptée au cheval peut entraîner une atrophie musculaire, des lésions articulaires, des boiteries chroniques, voire même des troubles neurologiques. Il est donc essentiel de choisir sa selle sur des termes ergonomiques avant d’en choisir la couleur de cuir et les paillettes 😉


Bien choisir sa selle

En voilà un petit poulain qui est prêt pour une évaluation en statique de sa future selle…
Crédit photo : Christèle Alphonse

Maintenant qu’on a une meilleure idée de l’importance cruciale qu’a la selle et sa bonne adaptation tant au cavalier qu’au cheval, il s’agit de connaître les quelques critères-clefs qu’il faut avoir à l’esprit quand on choisit sa future selle.

  1. Avoir un cheval prêt à nous porter. Ça veut dire musclé, en bonne santé, avec des bons pieds/bonnes dents, etc. Il faut également que son mental soit prêt à ce qu’on monte sur son dos : c’est donc toute une éducation à avoir fait avant de se poser la question d’une selle.
  2. Être un cavalier prêt à être porté. Si on est tordu à cause d’une douleur ou d’un manque musculaire, on aura beau adapter la selle, il y aura un impact de votre position sur votre cheval. Il faut donc soi-même passer par un check-up complet : musclé, en bonne santé, avec des bons pieds/bonnes dents et avoir un mental prêt à monter sur son cheval.
  3. Appeler le bon professionnel. Le cavalier d’à côté, un ostéopathe ou un vétérinaire sans formation spécifique ne sont pas à même de juger de l’ergonomie d’une selle à votre morphologie commune à votre cheval et vous. Il faut donc appeler un « saddle fitter » (en français, ergonome de la selle) et de préférence en choisir un qui soit bien formé. Comment savoir s’il est bien formé ? Si vous choisissez de lire les ressources en lien, vous pouvez l’interroger rapidement sur quelques points clefs. Si vous êtes plus flemmard, vous pouvez vous reposer sur des réseaux reconnus : le réseau Ergonomie Equestre en France ou SaddleFit4Life aux USA.
  4. Savoir faire une évaluation rapide en statique. Parce que je considère que c’est toujours mieux quand le cavalier comprend ce qu’il se passe et peut exercer son œil, je trouve que savoir évaluer rapidement de l’adaptation d’une selle à un cheval est une compétence à avoir en tant que cavalier. Rapidement :
    – mettez votre cheval sur un sol plat, en appui sur ses 4 pieds ;
    – posez la selle à sa bonne place (cf suite de l’article) ;
    – vérifiez qu’elle ne dépasse pas l’attache vertébrale de la dernière côte ;
    – vérifiez que vous pouvez passer 2-3 doigts entre le garrot et le pommeau, et ce tout autour du pommeau ;
    – passez la main dans la gouttière et vérifiez que tous les processus épineux et para-spinaux sous la selle sont bien dégagés ;
    – passez la main sous la pointe de l’arçon pour vérifier qu’elle n’appuie pas sur l’épaule ;
    – vérifiez que le contact entre la selle et le dos est constant sur toute la longueur et des 2 côtés en passant votre main sous les matelassures ;
    – vérifiez que les contre-sanglons tombent à la verticale et au-dessus du passage de sangle ;
    – vérifiez l’équilibre global de la selle : par ex, le point le plus bas du siège doit être en son centre.

Avec tout ça, vous devriez pouvoir faire confiance dans votre ergonome et profiter de la selle qu’il aura choisi pour vous comme étant la mieux adaptée !

Attention cependant : les corps des êtres vivants changent, une selle doit donc être vérifiée au moins tous les 6 mois. De même pour les matelassures, il est important de faire venir régulièrement votre ergonome pour vérifier leur bon état.


Emplacement de la selle sur le dos du cheval


Maintenant qu’on a vu l’importance d’adapter sa selle et comment le faire, il s’agit ensuite de bien l’utiliser. Le matériel adapté mal utilisé peut entraîner des lésions tout aussi délétères que du matériel inadapté. Si vous avez choisi de mener une réflexion sur l’ergonomie de votre matériel, j’espère que vous avez poursuivi avec une réflexion sur sa bonne utilisation. 😉

Concernant la selle, le plus grand mal de notre siècle, ce sont les selles posées sur le garrot. Pour info, si vous avez investi dans du matériel adapté mais que vous ne vous sentez pas bien en selle, pas en équilibre, que la selle bouge… Vérifiez le bon placement du matériel, éliminez les artifices superflus (coucou l’amortisseur en mouton) et si vraiment ça bouge toujours, (r)appelez votre saddle fitter. Instant 3615 : Dans le dernier centre équestre où j’ai tenté d’aller (j’ai tenu 4 cours) il y a plusieurs années, les chevaux avaient pour la plupart un dos atrophié. J’ai tenté d’en faire abstraction, j’ai sellé et me suis rendue en carrière. Mon moniteur du jour m’a apostrophée et m’a fait une leçon de 10 minutes sur la bonne place de la selle sur le dos du cheval : il a dessanglé, ravancé la selle, ressanglé et m’a dit, fier de lui « Voilà, une selle ça se place SUR le garrot, pas derrière ! » Tout est dit sur la formation qu’il doit dispenser à ses élèves… On va donc faire un petit rappel sur la bonne place de la selle. Dans le livre « Galops 1 à 4 » de la FFE, il est indiqué qu’il faut poser la selle sur le garrot PUIS LA FAIRE GLISSER EN ARRIERE JUSQU’A SA PLACE. Étape que beaucoup de monde oublient… Dans le cas de matériel bien adapté, on pose la selle un peu en avant de sa position, on la fait glisser (pour éviter les replis de poils pouvant provoquer des frottements) jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus.

  • Une fois à sa place, la selle doit être à quelques centimètres en arrière de l’épaule, la sangle placée un plat de main derrière le coude et l’arrière de la selle ne doit pas dépasser l’insertion de la dernière côte
  • Si la place où elle se trouve alors n’est pas optimale (trop en avant sur les épaules, trop en arrière après la dernière côte), c’est que la selle n’est pas adaptée.

Pour trouver l’insertion de la dernière côte, trouvez la côte sur le flanc du cheval (si c’est difficile, c’est qu’il est trop gros ! 😛 ) puis remontez en arc de cercle en suivant la côte jusqu’à la vertèbre. (cf photo) L’insertion est donc bien plus en avant que la côte qu’on peut distinguer sur le flanc.

N’hésitez pas à investir dans un livre d’anatomie du cheval pour vous aider. Perso je suis fan de « Anatomie du cheval à colorier » de Maggie Raynor, un cadeau de Laurence Perceval pour mon Noël d’il y a 9 ans.


Bien entretenir sa selle

En voilà une selle qui brille malgré une utilisation intensive ! C’est un entretien régulier et une surveillance studieuse de son bon état qui a permis à ma selle, achetée d’occasion, de vivre bientôt 15 ans, dont 4 avec moi.
Ici, sur le dos de Mag en novembre 2019, capturée par Emery Descours.

Maintenant qu’on l’a achetée, il s’agit de réussir à la garder ! Qu’elle soit en cuir ou synthétique, de rando ou de concours, votre selle doit être entretenue au même titre que tout le reste de votre matériel pour lui assurer une longévité raisonnable au rapport du prix qu’elle vous a coûté. Il faut aussi prendre en compte de manière plus générale qu’un cuir raide, rêche ou abîmé peut entraîner des blessures chez votre cheval. Les éléments essentiels à garder à l’esprit sont son lieu de stockage, son nettoyage après chaque utilisation et l’entretien par un professionnel.

Lieu de stockage :

Le stockage est un élément essentiel de l’entretien de votre selle. Un stockage inadapté va entraîner une fragilisation des matériaux de votre selle, et pour les panneaux à air, il peut même entraîner un coussin crevé…

  • La sellerie doit être sèche, à l’abri des conditions climatiques et tempérée au maximum.
  • Le porte-selle doit être adapté, et au maximum ne faire reposer la selle que par sa gouttière. Ça veut dire que le plus simple est souvent le mieux ! Un tréteau fera amplement l’affaire.
  • La selle doit être couverte, pour éviter une décoloration, des griffures ou des salissures. Demandez à votre sellier de vous fournir un couvre-selle lors de l’achat ou achetez-en un dans votre sellerie préférée.
  • N’empilez pas une selle sur une autre : vous allez abîmer les matelassures de la selle du dessus. Ne posez pas non plus votre selle sur le pommeau durant une longue période, les quartiers et le troussequin au contact peuvent s’abîmer.
  • Brossez vos étriers et remontez-les avant stockage. Si c’est possible, enfilez une protection (vieille chaussette, protection achetée en sellerie, cousue main…) pour éviter que le sable n’abîme votre selle.

Nettoyage quotidien :

Que votre selle soit synthétique ou en cuir, il faut la nettoyer après chaque utilisation avec un chiffon humide pour essuyer la poussière. Du savon (classique pour les synthétiques, glycériné pour les cuirs) en pain ou en spray peut être appliqué pour retirer les tâches. Ce petit entretien permet aussi de vérifier qu’il n’y a pas d’usure prématurée d’une partie de la selle. Chaque marque de selle utilise un cuir dont le procédé de production varie (tannage, traitements, teinture, etc) donc il est important de suivre LEURS recommandations d’entretien et les produits qu’ils recommandent : huile (rarement), graisse, autres produits. Un nettoyage complet de la selle et ses accessoires doit être réalisé au moins une fois par mois, au savon glycériné pour les cuirs. Il permet de confirmer que la selle va bien, sa symétrie, ses coutures, ses moisissures, ses craquelures de sécheresse… C’est aussi le moment de graisser si le besoin s’en fait sentir.

Le savon glycériné s’utilise avec un chiffon ou une éponge HUMIDE : le savon ne doit pas mousser.

Globalement, « écoutez » votre cuir : s’il se dessèche, donnez-lui un coup de graisse. S’il semble trop souple, levez le pied sur le savon glycériné et la graisse. Gardez votre sens critique : le cuir est la peau d’un animal qui a été tannée. Si vous n’appliquez pas un produit sur la peau de votre cheval, ne l’appliquez pas sur vos cuirs. 😉

Entretien par un professionnel :

Tous les 6 à 12 mois, selon votre utilisation de la selle, faites passer votre saddle fitter pour vérifier que tout va bien. Il s’agit de surveiller la symétrie de la selle, des étrivières, le bon état de l’arçon, des contre-sanglons et des couteaux d’étrivières, et surtout l’adaptation des matelassures au dos du cheval. Les matelassures peuvent se tasser, votre cheval peut changer, il est donc primordial de vérifier régulièrement l’adaptation de l’un à l’autre !

Maintenant que vous avez en main tous les outils pour choisir votre selle, la placer et l’entretenir, n’hésitez pas à appeler votre saddle fitter préféré et à vous assurer que vous êtes bien équipés pour votre voyage équestre !

Ressources

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