Les embouchures et ennasures

[Matériel] Les embouchures et ennasures

Photo prise par Morgane Lem, lors d’un stage au CE de Bois Fleuri dans le cadre des compétitions universitaires, en décembre 2018.

Un mors est-il obligatoire ? Comment choisir ce qu’on met sur la tête de son cheval ? Est-il vraiment possible de ficelle la tête de son cheval avec des lanières de cuir et de faire en sorte qu’il se sente confortable ?

Si aujourd’hui on a globalement conscience qu’il faut adapter sa selle pour éviter les blessures, peu de gens connaissent l’impact d’une briderie inadaptée et d’une embouchure ou ennasure inadéquate. Les séquelles d’un mauvais mors vont de défenses sous la selle (battue à la main, cabré/ruade, refus de prendre le mors en bouche…) jusqu’à des lésions buccales pouvant entraîner des infections (abcès, sinusites, etc). Les séquelles d’une mauvaise ennasure s’étendent des mêmes défenses sous la selle jusqu’à des troubles neurologiques (névralgie du trijumeau pouvant entraîner un headshaking, ou à l’inverse hyposensibilité de la face) et des lésions buccales également. Enfin, les séquelles d’une briderie inadaptée sont également nombreux : un frontal trop serré peut provoquer des migraines chez le cheval ; une têtière trop en avant et gênant les oreilles entraîne des douleurs nuccales, des contractions musculaires donc des troubles posturaux sur le corps entier ; une muserolle trop serrée entraîne des lésions buccales ; des montants trop près des yeux génèrent une perte de champ de vision et un risque de stress psychologique…

On va donc aborder ici l’importance de bien choisir son outil, de bien l’ajuster à la tête de son cheval par la briderie et de bien l’utiliser, afin de permettre au cheval de ne pas être gêné au travail par cet outil qu’on ajoute. Car ce qui est valable pour la selle l’est aussi pour le filet…

The best designed, most beautifully crafted saddle made specifically to fit an individual horse will not improve the horse’s ability to perform, benefit his welfare or increase his comfort.

Ken Lyndon-Dykes, Practical Saddle Fitting

En français : « La selle la mieux pensée et la mieux conçue, créée spécifiquement pour aller à un cheval particulier, ne permettrai jamais d’améliorer les performances dudit cheval, d’améliorer son bien-être ou d’augmenter son confort. »


En photo, Mavric de Reth, propriété de Kelly Figueira, en balade avec un mors.

Mavric peut être monté autant avec un mors, qu’avec un hackamore ou une simple cordelette. Le choix n’est jamais fermé qu’à un seul type d’outil ! Le tout est de comprendre pourquoi utiliser tel outil dans telle situation et quelles en sont ses limites.

Quel outil pour quel cheval ?

On voit souvent fleurir, sur les groupes équestres en tous genres, des recommandations variées d’outils, basés sur l’expérience personnelle le plus généralement, sur des prétentions commerciales le reste du temps.
Sur place, dans une écurie, on constate souvent le même discours : « tu devrais monter avec un Baucher, moi c’est ce que j’utilise et ça marche très bien » ou « non mais le mors c’est de la maltraitance animale, tu devrais passer sur un licol étho tu verras que ton cheval sera aussi cool que le mien » ou encore « j’ai acheté le dernier mors de la marque *****, franchement tu devrais l’essayer il est gé-ni-al, au magasin ils m’ont dit qu’il allait à tous les chevaux et que ça le mettrait en place direct ! »

Vous l’aurez compris, toute recommandation de ce type est à ne pas prendre en compte autrement que pour élargir sa culture personnelle d’outils existants quand vous découvrez le mors meroth ou ou le mors Verdun triple canon à palette ! Alors, comment savoir quoi utiliser ?
Tout d’abord, posez-vous la question de votre culture équestre sur les embouchures : que connaissez-vous vraiment à propos des mors ? Savez-vous où ils agissent ? Quelle est leur histoire ? Quelles sont les actions spécifiques de chaque mors et pourquoi ? Comme sont-ils supposés être utilisés ? Avez-vous toujours monté avec un mors ? Quelle est votre équitation : classique, western, de tradition française, de travail, d’extérieur… ?

Puis analysez votre culture équestre sur les ennasures : que savez-vous réellement à propos des ennasures ? Savez-vous comment en utiliser une, leurs différents modes d’action ? Savez-vous qu’elles sont plus anciennes que toutes les embouchures ? Équipé de ces connaissances, ressentez vers où votre cœur balance : un mors, un sidepull ou même une cordelette ?
Ensuite, posez-vous la question de votre formation : avez-vous appris à éduquer un cheval au mors ? A lui apprendre quelle action de rêne doit entraîner quelle réponse ? A l’inverse, savez-vous comment éduquer un cheval à une ennasure ? Si la réponse est « non » ou « je ne sais pas trop », je vous conseille de commencer par prendre des cours avec des personnes compétentes qui vous l’enseigneront, et en attendant conservez l’outil que votre cheval connaît déjà.

Une fois que vous avez amassé des connaissances suffisantes sur les différents outils et que vous sentez où votre cœur balance, réalisez une balance Bénéfices/Risques et Avantages/Inconvénients : si vous êtes cavalier de compétition, travailler uniquement sans mors sera un gros inconvénient puisque la plupart des règlements imposent le port d’un mors en concours ; à l’inverse, si vous êtes cavalier de balade et que vous aimez laisser brouter votre cheval, avoir un mors sera un gros inconvénient pour votre cheval (et pour vous quand il s’agira de le laver)… Dans la balance Bénéfices/Risques, il faut prendre en compte toutes les données scientifiques à notre disposition, qui seront décrites dans les prochaines parties de l’article. 😉

Enfin, maintenant que vous avez une bonne idée de ce que vous cherchez, il vous reste l’étape ultime : appeler un bit fitter pour trouver l’outil parfait pour votre couple équestre ! Le bit fitter peut vous aider à choisir une embouchure ou une ennasure, mais aussi à adapter la briderie à la tête de votre cheval. C’est un professionnel méconnu du secteur équestre et pourtant infiniment précieux. N’oubliez pas non plus que comme Mavric, vous pouvez toujours avoir un mors adapté, une ennasure adaptée ET une cordelette adaptée, et changer d’outil selon la situation ou ce que vous souhaitez faire. Il n’y a aucune limite en dehors de celle de votre champ de connaissance ! 😉


En photo, Oscar avec son embouchure de concours, un Pessoa avec alliances.

Oscar a fait de la compétition en obstacle jusqu’en As Poney Élite avec sa cavalière et propriétaire, Chloë Admane. Aujourd’hui, Oscar est en pré retraite et ne porte qu’exceptionnellement son Pessoa, autrement il est monté en licol plat, tout simplement !

Le mors, outil du diable ou de précision ?

Si on divise le discours actuel en 2 camps et qu’on écoute leurs dires, on obtient globalement : d’un côté les anti-mors, qui affirment que le mors « est en appui sur une surface extrêmement sensible de l’anatomie du cheval et qu’il provoque donc automatiquement des douleurs, il est impossible d’avoir un cheval partenaire si on utilise un mors », de l’autre les pro-mors qui disent que le mors est « obligatoire pour les disciplines nécessitant de la précision (dressage) ou du contrôle (cross, obstacle) car lui seul est gage de sécurité et d’efficacité ». Bon. Je ne serais pas aussi drastique, que ce soit sur un avis ou sur l’autre. J’aime les compromis ! 😉

Tout d’abord, regardons les allégations sur la douleur générée par un mors. On peut présenter deux études indépendantes sur la tension que supportent les chevaux sur un mors. La première (Christensen, J W, T L Zharkikh, A. Antoine, and J. Malmkvist. « Rein Tension Acceptance in Young Horses in a Voluntary Test Situation. » Equine Veterinary Journal 43.2 (2011): 223-228. Web.) a proposé à 15 pouliches de 2 ans, n’ayant jamais connu le mors, de manger du grain placé 1m devant elles, tout en ayant une bride reliée par des rênes à un surfaix.
Les pouliches avaient 4 épreuves par jour, 2 sur des rênes longues (pas de tension même lorsqu’elles atteignent le seau), 1 sur des rênes de longueur moyenne et 1 sur des rênes courtes.
Contrairement à ce qu’ils attendaient, les résultats ont montré que les pouliches appliquaient des tensions plus élevées le premier jour de test (moyenne de 10N, l’équivalent d’un poids d’1kg accroché au mors) que les jours suivants (autour de 6N, l’équivalent d’un poids de 600g accroché au mors).
Plutôt que d’une habituation progressive à la tension, un cheval naïf va plutôt chercher à l’éviter. Les études précédentes avaient montré qu’un cheval d’âge et régulièrement travaillé acceptait beaucoup plus de tension sur le mors (9N en continu, 40N en aigu). L’hypothèse avancée est qu’avec l’application d’une tension excessive en continu pendant plusieurs années de travail et l’inhibition des comportements conflictuels exprimant une douleur par les cavaliers, le cheval apprend à supporter des plus hauts niveaux de tension sur une embouchure.

La seconde étude (Vogt, A., M. Kubiak, H. Sauter, J.W Christensen, and U. König Von Borstel. « Horses’ Voluntary Acceptance of Rein Tension with Various Bitless Bridles Compared to a Single-jointed Snaffle Bit. » Journal of Veterinary Behavior 29 (2019): 152. Web.) nous intéresse dans le sujet plus large « embouchures et ennasures », puisqu’elle a comparé sur des chevaux d’âge et dans les mêmes conditions que précédemment, une embouchure simple et plusieurs ennasures. Les résultats montrent une tension similaire sur l’embouchure et les ennasures, avec une plus faible tension sur le sidepull (qui était un sidepull à muserolle en corde rigide, ce qui constitue un biais notable au jugement du sidepull dans son ensemble). On voit donc que finalement, quel que soit l’outil utilisé, il est essentiel d’utiliser le moins de tension possible dans ses demandes. 😉
Il ne semble pas y avoir de différence majeure entre embouchures et ennasures sur la sensibilité des tissus à la douleur. On peut donc retenir que la gencive est sensible, oui, mais que la simple présence du mors ne provoque pas de douleur particulière. La douleur est générée par une utilisation inadaptée avec une tension trop élevée, que ce soit en aigu (action de main brève et forte) ou en chronique (cavalier « accroché aux rênes »).

Maintenant, regardons les allégations des pro-mors. On a vu juste au-dessus que la sensibilité des chevaux semble être similaire en embouchure et en ennasure. Voyons maintenant si le mors est adapté à la pratique sportive des disciplines olympiques.

Une étude a ciblé le lien entre mort subite et port d’une embouchure chez les chevaux de course (Cook, W. R. « Bit‐induced Asphyxia in the Racehorse as a Cause of Sudden Death. » Equine Veterinary Education 28.7 (2016): 405-09. Web.).
L’étude conclue que les données d’autopsie sur des chevaux de courses morts durant l’effort ou peu après est cohérente avec un mécanisme d’œdème du poumon favorisé par le port du mors.
Le Dr Cook est le président de Bitless Bridle et son travail constitue une bonne partie de la littérature sur le sujet. Cependant, son conflit d’intérêt est plus récent que le début de ses travaux et son hypothèse est soutenue par d’autres publications.

Ces études peuvent être transposées aux sports olympiques et à l’endurance de manière assez aisée. Même si moins de chevaux y font l’objet d’autopsie, l’OAP (œdème aigu du poumon) par asphyxie est bien retrouvée dans tous les sports nécessitant un effort intense (dressage de haut niveau, CSO, cross, endurance…).

Petit rappel anatomique : le cheval ne peut respirer que par le nez. Cependant, son larynx (tractus digestif) et son pharynx (tractus respiratoire) communiquent, et cet orifice est fermé par le palais mou (fonction similaire à celle de la glotte chez l’humain). Lorsque les lèvres du cheval (ça marche aussi chez l’humain, essayez !) sont fermées hermétiquement, son palais mou est tendu et il peut respirer à pleins poumons. Lorsque ses lèvres sont ouvertes, il lui devient difficile d’inhaler par le nez (vraiment, essayez de respirer que par le nez en ayant la bouche ouverte : votre langue se posera instinctivement contre le palais pour « fermer » la bouche, ce que le cheval n’est pas en mesure de faire avec un mors).
Le mécanisme proposé est (en raccourci) que le mors provoque une instabilité du palais mou (qui sépare le larynx du pharynx) en empêchant la fermeture complète des lèvres. Cette instabilité provoque une difficulté respiratoire et une asphyxie qui amène alors un phénomène d’OAP.
Une conséquence est le saignement de nez qui est observé chez 5% de chevaux après un entraînement monté (avec mors) et jamais observé après un entraînement en piscine (en licol plat).(Watkins, K.L., Stewart, B.D. and Lam, K.K.H. (2008) EIPH and horse racing in Hong Kong- scale of the problem, management, regulation and unique aspects. In: Proceedings of a Workshop on Exercise-induced Pulmonary Haemorrhage: State of Current Knowledge. Havemeyer Foundation Monograph Series No.20, R&W Communications, Newmarket, UK, pp52-56.)

A l’aide de toutes ces données on peut donc évaluer que :

  1. le mors est un outil de discussion avec le cheval, puisque le cavalier peut donner des indications avec sa main mais également recevoir des indications du cheval (bouche tendue, mâchouillement, etc..);
  2. il n’est pas considéré comme statistiquement plus ou moins douloureux que les ennasures par les chevaux;
  3. la tension maximale qu’un cavalier peut appliquer en aigu est de 6N (ou 600g). Prenez un ressort de pesée et testez à quoi correspond 600g comme tension de rêne. Cette tension doit être votre « arrêt d’urgence », toute autre demande doit y être inférieure;
  4. le mors est inadapté à l’exécution d’un effort intense sous risque à court et long terme de dégâts majeurs sur le système respiratoire du cheval.

A partir de ces conclusions, il convient de ne pas diaboliser le mors mais de le prendre pour ce qu’il est : un outil dont le danger ne repose que sur l’utilisation qu’on en fait…


L’avantage d’une ennasure, c’est qu’on peut brouter tranquille ! Souffle de Style (propriété d’Élodie Poirel) appréciait beaucoup ces moments-là entre deux exercices.

Le sans-mors, effet de mode ou réel outil d’équitation ?

Tout comme pour les embouchures, on peut diviser le discours concernant les ennasures en deux parties : les pro, qui affirment qu’on peut tout faire sans mors exactement comme avec, et les anti qui prétendent qu’on ne peut être ni précis ni en sécurité avec une ennasure.
Bon. Là encore, je ne pourrais pas être aussi catégorique.

D’un côté, tout comme il y a énormément d’embouchures différentes (mors de bride, mors Verdun, Pelham, Pessoa, Meroth…) il y a également énormément d’ennasures différentes. Le point commun de toutes ces ennasures, à l’exception du sidepull, c’est qu’elles n’autorisent qu’un contact transitoire. Il ne peut y avoir de tension de rêne (600g max, rappelez vous) que lors d’une demande spécifique. Si une tension constante, même légère, est appliquée, le cheval sera confus par les ordres opposés qu’il reçoit (se déplacer et s’arrêter en même temps).
La plupart d’entre elles ont également une action uniquement dans le plan frontal (de haut en bas) et non dans le plan latéral (droite et gauche). Il faut donc travailler à base de rênes d’appui et non d’ouverture.
Je vais donc nuancer la phrase : on peut effectivement tout faire avec une ennasure, mais pas exactement pareil qu’avec un mors. C’est un outil différent, au fonctionnement différent, qui nécessite une éducation du cheval et du cavalier différente de celle au mors. Poursuivons.

On a vu la problématique de la précision dans la partie précédente : les études montrent qu’un cheval tolère autant de tension sur une ennasure que sur un mors. Cependant le point soulevé ci-dessus d’action d’une ennasure (pour la plupart) uniquement dans le plan frontal, limite nécessairement la précision d’action de main pour, par exemple, un travail de deux pistes. Ce manque de précision de l’action de main est souvent compensé par un travail plus fin dans le corps du cavalier, son isopraxie et son équilibre en selle.

En parallèle, parlons sécurité : une étude de 2009 (Quick, Jessica S, and Amanda K Warren-Smith. « Preliminary Investigations of Horses’ ( Equus Caballus) Responses to Different Bridles during Foundation Training. » Journal of Veterinary Behavior 4.4 (2009): 169-76. Web.) a montré qu’un cheval naïf subissait moins de stress avec une ennasure qu’une embouchure (rythme cardiaque, variabilité cardiaque, signes comportementaux) et qu’il s’arrêtait plus rapidement (moins de foulées effectuées auprès application de la demande d’arrêt). En termes de sécurité, avoir un cheval plus calme et qui s’arrête plus vite est essentiel. Cette étude n’est qu’une étude préliminaire mais ses résultats vont à l’inverse de l’hypothèse commune qu’on serait plus en sécurité avec une embouchure qu’une ennasure. Ainsi, on peut conclure qu’il n’y a aucune raison de se sentir moins en sécurité avec une ennasure qu’une embouchure, et que même si l’outil qu’on utilise sur la tête du cheval peut être moins précis, cela entraîne un travail plus strict sur le reste du corps du cavalier, qui permet alors d’atteindre le même travail de dressage qu’en mors.

Petit rappel anatomique : sur la face d’un cheval, tout comme sur la face d’un humain, il y a des os, des muscles pour faire bouger la peau et au milieu de tout ça il y a des trous appelés foramen qui laissent passer des nerfs. Toutes les ennasures « à nœuds » appuient sur ces foramen. La sensation qui en résulte est similaire à celle qu’on ressent quand on se tape le coude contre un coin de table (on a tous vécu ça un jour…) Ce sont donc des outils à manier avec une extrême précaution : personne n’a envie de ressentir ça sur toute la tête à chaque fois que son cheval bouge, donc ne le faisons pas subir à notre cheval 😉
L’innervation spécifique de la face engendre, si le matériel n’est pas adapté, un risque d’algie faciale (appelée névralgie du trijumeau) ou de migraines. Ce risque est décuplé avec les outils agissant spécifiquement sur les foramen.

Les autres ennasures qui utilisent une muserolle plus ou moins rigide pour avoir une action dans le plan frontal sont moins risquées au niveau nerveux (même si les risques inhérents à une muserolle existent toujours). Il faut cependant prendre en compte celles qui utilisent un système de levier, qui décuple la force exercée sur les rênes : pour obtenir « 600g » au niveau de l’ennasure, il faudra appliquer une force exponentiellement moindre sur les rênes… Attention donc aux mésusages, ces ennasures ne s’utilisent jamais en longe, en longues rênes ou en dextre, car le simple poids de la longe exerce une action sur le levier (et on atteint très très vite les 600g). De même pour les ennasures utilisant un système de poulie (Bitless ou Likorne, par ex) qui décuple la force exercée sur les rênes.

Finalement, l’ennasure la plus simple d’utilisation reste le sidepull, qui est tout simplement un licol plat amélioré pour être plus stable sur la tête du cheval. On y retrouve la possibilité d’utiliser des actions dans le plan latéral (attention cependant à avoir un outil ajusté, et non serré, pour éviter les blessures) et la possibilité d’utiliser une muserolle large et souple, sans système levier ni poulie, ce qui permet au cavalier à la main instable de ne pas causer systématiquement des douleurs à la face ou la bouche du cheval.


Photo par Laurence Perceval.

Kharish Adhem Habibi est une pouliche de 3 ans, production de l’élevage Laurence of Arabians, et grande amoureuse de Bashshar. Elle m’a rejoint en janvier 2021 avec lui et a la chance de faire partie d’une nouvelle aventure, pour explorer encore plus loin la possibilité de travailler dès le départ « sans outil ».

Et la cordelette, alors ?

La cordelette peut-elle être considérée au même rang qu’un filet équipé d’une embouchure ou d’une ennasure ?

A ma connaissance, aucune étude s’est intéressée à l’impact de la cordelette sur la locomotion ou la santé du cheval, sur la sensibilité du cheval et la tension qu’on peut exercer sur une cordelette…
Il est donc difficile de m’exprimer sur le sujet avec la même précision que je pourrais avoir sur les embouchures et les ennasures. Cependant, on a des témoignages de divers cavaliers, aux niveaux variés, sur la pluralité des usages qui peuvent être faits d’une cordelette.
On peut penser à Alizée Froment en France, Alycia Burton en Australie, et bien d’autres dont je n’arrive pas à retrouver le nom… (Anna-Carin Månsson est un exemple de travail non pas en cordelette, mais en liberté en attelage.)

La cordelette impose un réel apprentissage par le cavalier de son langage corporel, de son équilibre et de sa finesse motrice, de ce que veut dire vraiment l’isopraxie pour le cheval… Son usage pose aussi beaucoup de questions : est-il possible d’obtenir un cheval rassemblé en cordelette ? Quid de l’action sur la tête nécessaire à l’incurvation ? Ses détracteurs répondront que l’action de la cordelette à la base de l’encolure encourage justement un report de poids vers l’arrière de manière plus juste biomécaniquement, et que l’incurvation peut être obtenue autour de la jambe, par isopraxie. Difficile de faire le tri dans tout ceci…
Et pour débroussailler cette voie encore très peu explorée, j’ai décidé que le débourrage de Habibi se fera 100% en cordelette, sans jamais rien lui poser sur la tête en dehors de 2 situations : les situations d’apprentissage (apprendre à mettre le licol et le filet) et les situations réglementaires (où la réglementation m’impose de lui faire porter un outil sur la tête, quitte à ne pas du tout y toucher).

Je vous invite à suivre cette aventure sur la page et à découvrir avec moi jusqu’où je pourrai emmener cette jument dans les différentes disciplines qu’on essaiera ensemble. Peut-être que je vais échouer et ne pas réussir à la travailler sans rien ? Peut-être que ce sera une histoire longue et douloureuse, pleine de doutes mais à la manière d’un Disney, avec un miracle au bout ? Dans tous les cas, ce sera un témoignage sans filtre de ses apprentissages… A suivre !


En photo, Bandito (propriété de Léa Rostain) qui (re)fait un apprentissage du licol. Je travaille par étapes très très progressive, et chaque étape n’est validée que quand le cheval est parfaitement à l’aise.
Pour Bandito, le licol était à la fois un objet de curiosité quand il était statique et un objet de grande peur quand il était mouvant. Aucun souci donc pour le lui présenter, mais plus compliqué pour le lui enfiler… Heureusement, sa curiosité naturelle et les grands renforcements positifs des carottes lui permettent de mettre un licol sans souci !

Comment apprendre à mon cheval à bien utiliser un outil ?

Choisir son outil, c’est bien. Apprendre à chacune des deux parties concernées à bien l’utiliser, c’est mieux. Pour le cavalier, pas de mystère, apprendre à utiliser une embouchure ou une ennasure se fait auprès d’un enseignant compétent sur l’outil souhaité. Pour le cheval, c’est plus compliqué…

Plus compliqué pour deux raisons.
Tout d’abord, parce qu’on a « perdu » cette habitude d’enseigner au cheval le sens d’un outil.
Ensuite, parce qu’on a « perdu » l’enseignement au cavalier du système d’apprentissage du cheval. Demandez à un cavalier au hasard comment apprendre à un cheval à répondre au mors… 😉
L’idéal, si vous n’êtes pas sûr.e de vous, c’est de faire à nouveau appel à un enseignant compétent, pour qu’il l’enseigne à votre monture mais également que vous appreniez comment faire à votre tour. Dans tous les cas, oubliez votre envie de sauter sur votre cheval avec un licol et de faire un grand galop dans les champs. Si vous n’avez jamais préparé votre cheval à cette expérience, vous risquez fort de vous faire embarquer, de vous prendre un mur ou de voir votre monture partir loin de vous après une chute…

Les nombreuses études sur le système d’apprentissage du cheval confirment ce que nos Anciens avaient pressenti.

  1. Un cheval apprend mieux dans une situation avec un ressenti positif.
    Autrement dit, plus le cheval a peur, est anxieux et ressent des sentiments négatifs, moins il va apprendre quoi que ce soit. Ça vaut aussi pour les chevaux en détresse acquise (qu’on croit donc sages) qui n’apprennent pas grand-chose… Conclusion : le cheval apprend mieux quand il y a un bonbon après une réussite que quand il y a un coup de cravache après un échec !
  2. Le cheval fait un apprentissage par association.
    Si plusieurs fois, quand on lui touche le pied et qu’il donne son sabot, il est immédiatement récompensé, il va associer les différents événements ensemble et répondre systématiquement à la demande. Il faut être très rigoureux sur les codes qu’on utilise, puisque si on demande le pied toujours avec un cure-pieds dans la main, le jour où on en aura pas, il est possible qu’il ne donne pas son pied…

Ainsi, pour l’apprentissage des codes liés à un outil, il est nécessaire de garder ces principes en tête.
Rappel : tout apprentissage d’un nouveau code, nouveau mouvement, nouvel exercice doit se faire à pied. Sans cavalier sur le dos, le cheval pourra mieux se concentrer sur lui-même et ne sera pas gêné par votre poids ni vos dissymétries à compenser 😉
L’apprentissage d’un nouvel outil peut se faire pendant 5 min avant/pendant/après une séance de travail sur un autre sujet. Ainsi, pendant les mois où vous construirez la musculature de votre jeune cheval en faisant des balades en main ou en dextre, vous pourrez lui introduire progressivement l’outil. Le jour où vous voudrez commencer le travail en longues-rênes, il sera prêt à être utilisé, de même pour le jour où vous voudrez monter.

+ Pour une embouchure :
Les actions souhaitées sont multiples. On a la simple décontraction de la mâchoire (mâchouillement), l’incurvation et la descente d’encolure en premier, qui permettent la prise de contact. Ensuite, une fois le travail bien avancé, on pourra apprendre des codes plus spécifiques pour le contrôle des épaules ou le rassembler, par ex. Pour éviter les grands discours vides, je vous renvoie à cette vidéo réalisée par Dominique Bélaud, instructeur de l’école de légèreté : https://youtu.be/V3wT33gyM6c
Vous pouvez retrouver sur sa chaîne les flexions équivalentes montées. Il devrait être obligatoire de passer par plusieurs semaines voire mois de flexions à pieds pour que le cheval apprenne tranquillement et sûrement ce que veut dire le mors. Oubliez donc les débourrages en 3 jours où le cavalier met le mors, fait 2-3 flexions puis grimpe dessus ! (Je ne nommerai aucune méthode…)

+ Pour une ennasure :
L’apprentissage des codes va varier selon l’ennasure choisie. Pour les ennasures à action dans le plan frontal seulement, on apprendra au cheval à répondre à la tension des rênes par l’arrêt (avec plus de finesse, ce sera un report de poids vers l’arrière qui peut ensuite favoriser un travail plus poussé en dressage) ou par une descente d’encolure (la demande d’arrêt étant alors demandée au poids du corps et non à la main). Ici aussi, l’apprentissage doit se fait au sol et progressivement. Pour les ennasures à action dans les plans frontal et latéral, on peut apprendre au cheval les mêmes codes qu’en mors, à la seule exception de la décontraction de mâchoire. L’apprentissage de tous ces codes se fera par association positive entre la demande et la réponse. On commencera à l’arrêt, à pied, de manière similaire à la vidéo présentée plus haut.
Je n’ai pas trouvé de vidéo similaire pour les ennasures, si quelqu’un en connait une je suis intéressée.


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